La sorcellerie a existé dans toutes les sociétés humaines. Si sur certains continents, elle a pris des formes voilées et subtiles de nos jours, sur d’autres comme l’Afrique, surtout dans sa partie subsaharienne, la pratique a peu évolué dans sa forme malgré l’introduction des religions étrangères. Adeptes en masse de ces religions, les Africains n’arrivent pas à extirper de leurs âmes leurs croyances ancestrales solidement enracinées. Leurs comportements ambivalents reflètent quotidiennement cette situation. Aujourd’hui, quand on parle de sorcellerie, tout le monde se tourne automatiquement vers les parties du monde occupées par les peuples Noirs ; de nombreux Africains s’identifient effectivement avec fierté à la sorcellerie. Lorsqu’un Africain émet la moindre critique ou réserve par rapport à la sorcellerie, il devient un « suspect » aux yeux de ses congénères qui le qualifie alors de « déraciné ». Pourtant, l’Afrique n’a pas l’exclusivité de cette pratique. La sorcellerie telle que l’ont vécue les Européens du XVe au XIXe siècle présente de nombreuses similitudes dans ses manifestations avec celle que vivent jusqu’à nos jours les Africains. Cette pratique reste vivace sur le continent Noir en dépit de l’avancée fulgurante des sciences et de la technologie pendant le dernier siècle. A tous les niveaux de l’échelle sociale, et dans tous les domaines (social, économique et politique) la sorcellerie est omniprésente. « La chasse aux sorcière », expression d’origine européenne synonyme de persécution des sorcières organisée au XVe siècle par l’Eglise catholique, est toujours d’actualité sur le continent noir. La sorcellerie en Afrique présente deux spécificités fondamentales : son origine supposée héréditaire ou congénitale d’une part et son mode d’organisation d’autre part. Sur le plan organisationnel, les sorciers forment des sociétés secrètes ou confréries exclusivement masculines et hiérarchisées au sein desquelles la discipline est rigoureuse. Ces confréries se donnent pour missions de défendre les traditions et d’influencer de façon souterraine l’orientation politique et religieuse de la communauté. Pour ce faire, elles ont infiltré tous les organes décisionnels des communautés et ont pris le contrôle des organes de répressions. Pour atteindre ces objectifs, les confréries, de complicité avec les classes dirigeantes, ont mis en place un système éducatif dont la finalité est de former des adultes soumis, sachant juste écouter les Vieux et exécuter les ordres donnés par eux. Ce système, transmis de génération en génération par tous les membres des communautés, fait de la sorcellerie un acte de foi et personne ne peut échapper à ce dressage mental. Presque tous les Africains y compris les personnes instruites sont victimes aujourd’hui de ce conditionnement intellectuel. Les concepteurs de ce système éducatif, conscients de sa fragilité, l’ont entouré d’un rempart solide : la peur, l’intimidation et le chantage. Par la méthode du bouc émissaire, les classes dirigeantes se débarrassent des membres des communautés qu’elles jugent comme étant des « fauteurs de troubles ». Ainsi, réussissaient-elles à instaurer l’ordre et la discipline au sein des communautés selon leur vision du monde. L’ouverture des communautés africaines au monde extérieur a été fatale au règne sans partage des confréries qui n’ont pu s’adapter aux nouvelles donnes. Elles se sont alors désagrégées abandonnant les membres des communautés désormais sans repères. Il s’en est suivi un désordre indescriptible qui s’est traduit entre autres par une recrudescence des accusations de sorcellerie tous azimuts aussi bien dans les campagnes que dans les villes. Les causes principales de ces croyances étant la pauvreté et l’ignorance, pour les éradiquer, il faut une ferme volonté politique de la part des décideurs africains. Les secteurs sur lesquels l’accent doit être mis sont : le système judiciaire, le système éducatif et l’économie.